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Lettres au corps

Lettres au corps

Avis aux visiteurs : Cet espace n'est pas figé, il attend votre participation. Le projet est le suivant ; réunir un maximum de lettres ouvertes adressées à votre corps . Ces lettres seront accompagnées d'une photo PRISE PAR VOUS de ce que le thème vous inspire. Votre anonymat sera scrupuleusement respecté . L'idée n'est pas de tomber dans le voyeurisme ou l'incitation à la haine de votre corps. Bien au contraire . La visée de ce projet est d'explorer le rapport au corps à tous les âges, dans toutes les cultures , sous tous ses aspects . Pour toutes informations , questions ou envoyer votre participation : onmyskinproject@gmail.com .


Comme une paix retrouvée

Publié par Fen sur 20 Novembre 2014, 21:32pm

~~Salut, vieux. Je savais pas trop par où commencer, ni quoi raconter, alors reprenons tout depuis le début. T’as débarqué chez moi le 7 octobre 1999. On s’est apprécié assez vite, tu te rappelles ? J’étais minuscule, comme toi, j’suppose que c’est pour ça qu’on s’est bien entendus. Evidemment, il a fallu que tu te fasses remarquer, hein, alors tu t’es arrangé pour empêcher mes larmes de bébé de couler, et tu as réussi ton coup : opération du canal lacrymal, à environ 2 heures d’existence. Youpi. Mais je n’t’en veux pas, parce qu’on a eu de la chance, ça s’est bien passé. Ensuite, on a commencé à grandir, à devenir une petite miss un peu maigrichonne et grincheuse. T’assurais le côté mignon, j’assurais le côté râleur. C’était sympa, cette époque, où il suffisait de te cogner contre un mur pour avoir un « bisous-bobo » de maman. On aimait ça tous les deux, d’ailleurs, même si t’avait un peu plus mal que moi. Le temps a passé, t’as commencé à grandir et prendre de la place. De plus en plus. J’t’ai vu débarquer un jour avec une poitrine d’adulte, des hanches trop larges et un visage plus fin. Remarque, je me plains un peu, mais t’as été gentil, on a évité les boutons et les règles douloureuses. C’était plutôt pas mal. Un jour, je t’ai cassé le bras, enfin, il a été cassé par ma faute. A cause de cet abruti qui nous a balancé dans les escaliers. Mais on s’est remis vite. Puis, y a eu la chute, le crack. Tu t’en souviens, ça se voit, t’as pas oublié. Et tu m’en veux…J’comprends. C’est normal. Après sa mort, j’ai un peu déconné. Je sais qu’tu voulais m’aider, t’aurais voulu être aussi proche de moi qu’avant, mais ça marchait pas, hein…C’était difficile pour nous deux. J’ai commencé à te détester d’être aussi imparfait, aussi laid, parce que, ouais, j’te trouvais horrible, nul. Je nous trouvais nuls. J’avais envie d’rentrer sous terre et d’t’oublier, de partir loin, quelque part, le genre d’endroit où tu m’aurais foutu la paix pour un moment. J’avais plus faim, plus soif, plus envie de voir du monde, de prendre soin de nous. Plus envie de rien. J’voulais plus manger, mais évidemment t’étais là pour me rappeler qu’on en avait besoin. Alors j’me forçais, pour toi, parce que ç’aurait été dégueulasse de t’laisser sur le tapis, mais j’te jure qu’il m’a fallu du courage. Même avec ça…il fallait que je me défoule sur quelque chose. Alors j’ai commencé à te faire mal, de plus en plus, à frapper plus profond à chaque fois. Tu m’en voulais à mort, mais j’crois que tu comprenais, tu disais rien. Tu laissais juste de grosses cicatrices, là, comme ça, sur tes bras. On espérait que quelqu’un les voit, inconsciemment, je crois. Comme pour le « bisous-bobo ». Sauf que personne n’a rien vu. Alors, bon, on s’est soignés comme on pouvait, en ingurgitant un paquet de médocs et en s’infligeant toujours plus de coupures. C’était pas facile…J’suis désolée, tu sais. J’aurais aimé ne pas faire ça, et maintenant… On s’est réconciliés pour oublier. Oublier toute cette connerie, cet espèce de monde bizarre auquel on croyait plus. Je répétais tout le temps que, t’façons, c’était de la merde la vie. Qu’on en avait marre. Ouais, c’était juste histoire de le dire, de faire réagir les autres, parce qu’au fond, nous, on l’aimait bien, la vie. Puis, ça marchait pas, les autres remarquaient rien, et quand ils le remarquaient, on espérait tellement d’eux qu’évidemment, on était déçus. On s’est dit qu’il fallait tourner la page, parce qu’on était pas si faible que ça finalement. On a commencé à sortir. A se trouver belle. A se trouver sexy. Et on était pas les seuls à le penser, hein, tu t’en souviens ? Quand on sortait, qu’on se posait seule à un barre et qu’on attendait. Au bout de dix minutes, y’en avait toujours un pour nous offrir un verre. On séduisait, on se sentait bien, mais y’avait toujours cet arrière goût de sang dans la bouche. C’était étrange. Puis, on a remarqué ce type, là, ce mec un peu plus sympa, un peu plus gentil que les autres. L’a fallut que je tombe amoureuse, bien sur. Sauf que j’étais loin d’être prête, tu m’as prévenue mais j’ai refusé de le voir. Une fois de plus, t’avait raison. On s’est loupé, on a raté le seul coup qui nous intéressait, mais ça nous a sauvé la vie. Cette rage, cette putain d’envie de se battre. Ça nous a bien aidé. Alors, on a continué, grâce à la colère, la haine, et l’amour, aussi, un peu. Quelques mois plus tard, il nous disait « je t’aime » et ton cœur s’arrêtait de battre. Pour repartir, beaucoup plus vite, beaucoup mieux. On respirait enfin. Ça faisait du bien, hein, de sentir ses mains sur ta peau, dans tes cheveux. On était heureux, toi, moi, et lui. Et maintenant ? On a toujours des hauts et des bas. Bien sur. Et ça sera toujours comme ça. Ça fait un moment qu’on se connait, hein. Tu vois, j’te disais que je ne savais pas par où commencer, mais je sais encore moins par où finir. Peut-être parce que notre histoire est pas finie. J’espère, en tout cas. Parce que maintenant on s’entend bien, on s’entend mieux. Comme quand on était petits. Je suis contente de t’avoir raconté tout ça, tu sais. T’es quand même un ami, un ami loyal et un ami proche. Je t’aime beaucoup. Pardonne-moi de t’avoir fait si mal. Bisous.

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